lundi 24 mars 2014

Traversée pour Cayenne, 1887

Pour vous fair patienter un peu, je voudrais partager avec vous une autre decouverte faite dans de vieux papiers familiaux. Cela consiste en quelques pages volantes, en fait une lettre à un destinataire inconnu, qui relatent le voyage fait par mon père, Nicolas Jean Baptiste, lorsqu'il fut envoyé à Cayenne (Guyanne) oû il passa deux ans en tant que membre du 4eme Régiment d'Infanterie de Marine, ayant commencé son instruction militaire le 7 décembre 1885. 
Extrait du carnet
militaire de mon père.

Ceci malgré que le conseil municipal de Vaux sous Aubigny ait accepté, au début de l'année 1885, "d'intervenir auprès de Mr le Préfet et MM les members du conseil de révision pour les prier de bien vouloir maintenir dans ses foyers le dit Chinardet Nicolas Jean Baptiste," conscrit de la classe 1884,  "comme soutien indispensable de sa famille."

Plusieurs plans et cartes sont aussi inclus, dont un croquis montrant la position de trois iles (l'Ile Royale, l'Ile St Joseph et l'Ile du Diable) ainsi qu'un "endroit pour le mouillage".

Tout commence à Toulon, il y a 127 ans exactement: 


Il faut que je raconte un peu ma traversée car je crois que sur ma première lettre je ne vous en ai pas parlé.

Le 24 mars 1887 à 5 heures du matin, sorti du quartier de Missessy. A 7 heures, l’appel à la Caserne du Mourillon. A 8 heures, embarqué sur le remorqueur No 12, qui me conduit sur l'Orne.: toute cette journée est consacrée aux préparatifs de départ.

Le lendemain, 25 mars, à 2 heures de l'après midi, départ. Un vent nord-est, nous pousse en pleine mer. A 6 heures du soir, les côtes de France ont disparus à mes yeux et le mal de mer me chicane. On est dans le golfe du Lion. A 8 heures, le bâtiment est assailli par un affreuse tempête qui nous tient entre la vie et la mort, jusqu'à 6 heures du matin, 26 mars. Pendant toute la nuit, les vagues viennent se briser sur le point et passent par-dessus, le bâtiment parcout jusqu'à 1000 mètres, couché sur le côté sans se relevé, se jette de l'autre et ainsi de suite, l'eau inonde les batteries. Enfin, le jour paraît et la mer se calme avec le vent.

Le 27 mars, temps et mer calme. A 4 heures de l'après-midi, on passe à deux cents mètres des Iles Baléares, où se trouve un magnifique phare.
Le 28, vent fort, mer agitée. A 11 heures passage dans le golfe de Valence.

Le 29, mer agitée, temps brumeux. A 10 heures, on aperçoit les côtes d'Afrique. A 1 heure de l'après-midi, passe au détour de Gibraltar. A 3 heures on longe la côte du Maroc.

30 mars, mer agitée par un fort vent d'ouest.

31 mars, mer agitée par un fort vent Nord-ouest.

Le 1er avril, un grain nous bouscule à 8 heures du matin, le soir le vent tombe et la mer devient calme.

Le 2 avril, temps et mer calme.

Le 3 avril, vent d'est, mer houleuse. A 10 heures du soir, on aperçoit la terre à tribord. A 11 heures, on mouille au pied du Ténériffe, dans la rade de Santa-Cruz de Ténériffe.

Le 4, on fait provision de charbon, eau et vivres. Le soir à 5 heures, on lève l'ancre par un temps calme.

5 et 6 avril, temps et mer calme.

Le 7, orage avec accompagnement de tonnerre, à midi 40 degrés de chaleur.

Le 8 et le 9, mer calme, petit vent d'est.

Le 10 Avril, jour de Pâques, vent d'est très fort, chaleur lourde et accablante : à midi, 43 degrés de chaleur, le soir à l'appel, on commence la fête du tropique.

Le 11, temps calme. On célèbre la fête du tropique.

Les 12-13-14-15-16-17, mer calme, temps lourd et orageux.


Le 18 et le 19, un roulis épouvantable, occasionné par les lames de fond, bouleverse le bâtiment.

Le 20, vent fort, mer houleuse.

Le 21, pluie avec temps calme.

Le 22, temps et mer calme.

Le 23, à 5 heures du matin temps orageux, à 9 heures on apperçoit la terre à babord. A 11 heures on voit les Iles du Salut, à 2 heures de l'après-midi, on arrive au pied de ces Iles, où on mouille.

Le 24, on débarque les condamnés et les conduits à l'Ile Saint-Joseph, où il y a un établissement pénitencier.

Le 25, à midi, le pilote vient monter à bord pour nous conduire à Cayenne, on en est encore à 50 lieues. Le soir, à 6 heures on débarque de dessus l'Orne, pour monter sur des chalands, traînés par un remorqueur: le Yapock, l'Orne ne pouvant pas approché la côte, à cause du courant et des rochers qui s'y trouvent. Enfin, à 7 heures, le remorqueur se met en marche, l'amarre qui tenait un des chalands casse et nous voilà parti au gré du courant et des vagues. A l'aide d'une lanterne nous faisons des signaux et le remorqueur nous ralie.

Le lendemain, 26 mars, après avoir passé la nuit à la disposition des vagues on arrive à Cayenne. Un seul cri: TERRE.

Conservez moi, s'il vous plait ce petit relevé.


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